La raideur du genou est une complication fréquente en traumatologie et après chirurgie. On peut la définir par une limitation permanente des amplitudes articulaires, qui peut concerner la flexion, l’extension, ou les deux (raideur mixte).
Déterminer l’origine de la raideur est une étape indispensable avant de proposer un traitement, qu’il soit chirurgical ou non.
Il existe des valeurs seuils de la flexion du genou à connaître : 90° pour la montée des escaliers, 120° suffisent si la plupart des gestes de la vie quotidienne sont normaux. Le premier objectif thérapeutique est d’obtenir 90° de flexion.
Quelles sont les étiologies d’une raideur du genou ?
• Algodystrophie (ou syndrome douloureux régional complexe) : le traitement est essentiellement médical.
• Suite à un traumatisme : fracture du fémur, de la rotule ou des plateaux tibiaux, entorse grave du ligament latéral interne du genou, rupture du ligament croisé antérieur en battant de cloche….
• Après une chirurgie : reconstruction du ligament croisé antérieur, prothèse du genou, …
• Arthrite infectieuse du genou.
• Certaines raideurs constitutionnelles liées au myotype.
Analyse de la raideur du genou
L’analyse du type de raideur est essentielle et, classiquement, on distingue les raideurs selon deux critères : sa localisation (intra-articulaire ou extra-articulaire) et le secteur de mobilité concerné (déficit de flexion, déficit d’extension, déficit combiné ou mixte), et on la qualifie de précoce, tardive ou chronique en fonction du délai de survenue.
Diagnostic et examens complémentaires
Le premier temps de l’interrogatoire est de retracer l’histoire et les antécédents traumatiques et chirurgicaux du genou ainsi que leur chronologie et les traitements déjà mis en place.
La prescription d’examens complémentaires est essentielle dans la démarche diagnostique.
– Les radiographies standard : en charge de face et de profil, quadriceps contracté, si possible comparatifs, vont permettre d’analyser les signes d’arthrose, les cals vicieux post-fracturaires, une éventuelle rotule basse ainsi que la minéralisation osseuse.
Dans le cadre des raideurs post-ligamentoplasties, on évaluera la position des tunnels. Dans le cas des raideurs sur prothèses, on recherchera un descellement, une malposition, une taille inadaptée des implants.
– L’IRM : elle permet de faire un bilan ligamentaire, méniscal et cartilagineux complet, et permet de rechercher un éventuel syndrome du cyclope (après une chirurgie du ligament croisé antérieur, est caractérisé par un flessum irréductible du genou dû à la formation d’un nodule fibreux à la partie antérieure de l’échancrure intercondylienne).
– La scintigraphie : elle est intéressante pour le diagnostic d’algoneurodystrophie, en mettant en évidence une hyperfixation diffuse intense.
– Le scanner ou l’arthroscanner : permettent une analyse précise des structures osseuses et de localiser précisément les tunnels osseux après une ligamentoplastie, d’apprécier les élargissements de ces tunnels, d’établir les rapports avec les moyens de fixation utilisés, et d’analyser un éventuel cal osseux post-fracturaire.
Choix thérapeutiques pour traiter une raideur du genou
A. Mobilisation sous anesthésie générale
Elle reste une option thérapeutique d’indication limitée aux raideurs de moins de deux mois résistantes à une rééducation bien conduite car, passé ce délai, elle expose à des risques importants de complications (fracture, démontage d’une ostéosynthèse, rupture tendineuse, lésions cartilagineuses, etc).
La procédure est réalisée au bloc opératoire sous anesthésie générale afin d’obtenir un relâchement musculaire satisfaisant. Le patient est allongé, la hanche fléchie à 90°; la mobilisation du genou est effectuée en exerçant une pression sur le tiers proximal du tibia (pour limiter les risques de fractures) afin de le fléchir progressivement jusqu’à sentir et entendre les adhérences lâcher.
Son but est de faire céder les adhérences articulaires. Cependant, ces adhérences peuvent parfois intéresser le cartilage articulaire pouvant entrainer un arrachement cartilagineux.
B. Arthrolyse sous arthroscopie
L’arthrolyse sous arthroscopie est une technique mini-invasive qui s’adresse aux raideurs d’origine intra-articulaire. Elle permet une visualisation directe des adhérences et leur résection au shaver motorisé et à la sonde de radiofréquence.
Différents gestes peuvent être réalisés :
– section de synéchies synoviales;
– ablation de corps étranger intra-articulaire ;
– méniscectomie pour une anse de seau ;
– traitement d’une lésion ligamentaire (battant de cloche dans le cadre d’une rupture fraîche, syndrome du cyclope après reconstruction par greffe) ;
C. Arthrolyse à ciel ouvert
L’arthrolyse à ciel ouvert s’adresse donc uniquement aux raideurs ayant une composante extra-articulaire majeure (quadriceps rétracté et/ou adhérent). Ses indications sont devenues rares (séquelles de fracture ouverte du fémur, d’ostéomyélite fémorale, cals vicieux diaphysaires fémoraux).
La technique opératoire comporte deux temps fondamentaux :
– l’arthrolyse (résection des adhérences à l’intérieur du genou);
– la désinsertion musculaire quadricipitale du fémur.
Le risque de fracture liée à la dévascularisation n’est pas négligeable.
C’est une chirurgie lourde, et il faut considérer ses bénéfices attendus tout autant que ses risques (hémorragie, hématome, infection, fracture itérative, récidive de la raideur…) avant de l’entreprendre.
Suites post opératoires
• de limiter le risque d’hématome postopératoire (en gardant le drain de Redon suffisamment longtemps (au moins 2 jours), avec un pansement légèrement compressif au début, de la cryothérapie pluriquotidienne…), car le risque de saignement est important et la fibrose cicatricielle induite par la résorption d’un hématome fait encourir un risque de récidive de la raideur;
• de débuter la rééducation par mobilisation intermittente (dès l’arrivée du patient en salle de réveil), et de transférer le patient dans un centre de rééducation au 3e jour postopératoire ;
• de lutter contre la douleur efficacement (cathéter, pompe à morphine, antalgiques et anti-inflammatoires…) pendant et en dehors des séances de rééducation.
Ils visent tous à s’opposer au risque de diminution du gain d’amplitude obtenu lors de l’intervention mobilisatrice ; leur importance est équivalente à celle de la technique chirurgicale. Les équipes médicales (chirurgien, anesthésiste, médecin rééducateur) et paramédicales (kinésithérapeute, infirmières) devront donc être particulièrement attentives à ces patients, avec une prise en charge synchrone.
Le traitement des raideurs est un véritable challenge et associe, en fonction des causes et des délais de prise en charge, soit une mobilisation sous anesthésie générale, soit une arthrolyse chirurgicale, arthroscopique ou à ciel ouvert.